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Photographie 3D « primitive »
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1 janvier 2014

La MISE EN SCENE en photographie • Early "staged photography"

 Early staged photography

 

wNaufrage


On attribue parfois à des artistes contemporains l'invention de la mise en scène en photographie. Rien en ce domaine n'aurait été, dit-on, réalisé avant Duane Michals, Bernard Faucon, Sandy Skoglund ou Joel Peter Witkin, pour ne prendre que quelques exemples. En réinventant la roue, chaque jour au réveil, l'homme se donne une très confortable sensation de vigueur que le "petit noir" du matin ne pourra jamais émuler.

(La vue stéréoscopique en haut de page a été produite vers 1858, probablement par Alfred Silvester  - Unsigned stereoview (but probably by A. Silvester). (Coll. J. Calvelo))

Belle indélicatesse pourtant qui consiste à post-dater d'un bon siècle une pratique solidement attestée dès les années 1850, et même plus tôt. A la naissance du médium, Bayard lui-même s'y prêtait pour protester contre le silence avec lequel était reçue sa technique personnelle. Quelques années plus tard, Humbert de Molard organisait des saynètes pour rendre des scènes de genre, les temps de pose encore longs ne permettant pas de saisir sur le vif la vie quotidienne.

Bien avant Lewis Carroll ou Oscar Rejlander, par exemple, la stéréoscopie avait popularisé l'image scénographiée. Cette pratique ne tombait pas du ciel. Ce genre de fiction n'était pas totalement exotique au public de l'époque. Bien au contraire, elle se moulait dans des usages vigoureux plus anciens. Le théâtre, bien sûr, et un divertissement assez commun dans les milieux bourgeois aux XIXe siecle.
Les bourgeoisies européennes s'étaient habituées à poser et à faire les figurants dans les fameux tableaux vivants qui se pratiquaient dans de nombreux pays tout au long du XIXe siecle. Cette activité avait été surtout pratiquée dans la haute bourgeoisie et l'aristocratie. Elle n'était sans doute pas du meilleur goût et devait souvent donner lieu à des scènes ridicules. Mais elles divertissaient même les adultes à une époque où les spectacles étaient rares. Ainsi, il semble que ces jeux se pratiquaient d'autant plus que les lieux de résidence manquaient de théâtres et de divertissements. Ils occupaient les heures d'ennui des bourgeoisies locales. On choisissait un tableau célèbre à reproduire en quelque sorte en chair et en os, et chaque participant était chargé de représenter une des figures de la fiction. Des costumes sont choisis, les lumières disposées et les figurants sélectionnés de manière à représenter le chef-d'œuvre célèbre aussi fidèlement que possible. Les enfants peuvent par exemple représenter les anges de la peinture classique.

Cette mode, devait trouver son origine en Allemagne ou en Autriche où elle est signalée dès le Premier Empire. Mais peut-être a-t-elle été imaginée, comme l'affirme Duckett (voir ci-dessous) par Mme de Genlis qui, à la fin du XVIIIe siècle, éleva le futur roi de France Louis-Philippe :

Dictionnaire de la conversation et de la lecture, par William Duckett, 1858 :
"TABLEAUX VIVANTS. C'est le nom qu'on donne aux représentations d'œuvres de la peinture et de la plastique par des personnes vivantes. Mme de Genlis serait, dit-on, celle qui les aurait inventées, alors qu'elle était gouverneur des enfants du duc d'Orléans, et qui aurait eu l'idée d'exécuter, avec le secours des peintres David et Isabey, pour l'instruction et l'amusement de ses élèves, des tableaux historiques dans lesquels elle faisait figurer les personnes de sa société. Plus tard, les représentations de ce genre devinrent fréquentes sur la scène. De nos jours on n'en exécute plus que dans les cercles privés les plus élevés, où elles font toujours plaisir, parce qu'en effet quand on y déploie une certaine magnificence jointe au sentiment de l'art, et que, soutenues par un accompagnement musical, on les donne pour des énigmes à deviner, elles peuvent être très amusantes. Il n'y a pas longtemps que le professeur Flor et un certain M. Quirin-Muller ont essayé de donner des représentations publiques de ce genre en Allemagne. Le premier arrangeait des imitations de célèbres tableaux classiques ou modernes, et y joignait des représentations de l'expression corporelle des états de l'âme les plus divers; genre dont la fameuse lady Hamilton passe pour avoir été la créatrice. Le second se bornait à la reproduction de quelques statues et groupes plastiques. Au point de vue esthétique, les tableaux vivants n'ont pas grande valeur. Avec quelque bonheur qu'on parvienne à reproduire les détails, la beauté physique des sujets, les draperies, les plis, etc., l'effet total n'est pas satisfaisant. Tandis que l'art du dessin anime une matière morte, et par l'illusion de la peinture fait un corps d'une surface plane, le tableau vivant ravale la forme humaine, l'individu intelligent, qui trouve son véritable emploi dans l'expression suprême de l'art, l'œuvre dramatique, à ne plus être qu'une matière inerte et sans vie ; il produit ainsi une illusion imparfaite, parce qu'en promettant avec ses moyens de représentation un chef-d'œuvre dramatique, il ne parvient qu'a produire l'effet de la peinture. Comme il arrive toujours dans le domaine de l'art, les empiétements illégitimes d'un art sur ce qui est du ressort d'un autre art laissent toujours une expression désagréable chez celui qui a le sentiment délicat de ce qui constitue le vrai beau."

"L'hiver dernier, lit-on encore dans La Revue de Paris en 1843, on avait à Naples le goût des tableaux vivants. C'est une occasion pour les dames qui figurent dans ces amusements de changer leur coiffure, d'acheter des étoffes de luxe, de s'entourer de couturières, de se voir avec un visage nouveau dans leur miroir, et de se montrer sous un aspect favorable. Le plaisir est d'ailleurs plus grand pour les acteurs que pour ceux qui regardent, à cause des préparatifs et des répétitions."

wMythologie

Olympian Group, vue stéréo anonyme, vers 1858 (Elliott ?) - Anonymous stereoview, ca 1858. (Coll. J. Calvelo)

 

Les opérateurs français et britanniques ayant produit des vues pour le marché stéréoscopique dans les années 1850-1860 vont consacrer une formidable énergie à préparer des mises en scènes dans leurs ateliers. Certains pousseront "l'industrialisation" de leur pratique jusqu'à développer des affaires comportant des studios vastes et bien éclairés (comme on peut le voir dans certaines vues au décor ample figurant des gares ou des places de village), ainsi qu'un personnel constitué d'ouvriers ou de figurants qui préfigurent les moyens beaucoup plus considérables que déploieront deux générations plus tard les studios de cinéma en Europe ou en Amérique.

Ces photos stéréoscopiques, dont beaucoup se sont vendues à des milliers d'exemplaires (dont on peut encore retrouver aujourd'hui d'assez nombreux rescapés) avaient déjà gagné à l'époque une certaine "célébrité", sinon dans les publications généralistes, du moins dans la littérature spécialisée. Voici par exemple ce qu'écrit en 1858 (avec de nombreuses réserves sur leur mérite) le critique d'une revue anglaise à propos de certaines images publiées par le photographe James Elliott :

"We have before us an almost complete history of the art in a series of the chief stereoscopic slides which have been published up to the present time. Amongst them we have, what we believe to be, the first of the kind ever issued, and this decidedly is of the class spoken of in our twelfth number as being sentimental, &c. Then follows the series of " MY FIRST,' 1 " ONE TOO MANY," " FIVE WEEKS AFTER MARRIAGE," " BROKEN VOWS," &c. &c. These are too well known to need more than the mention of their titles, and our opinion of them has long since been recorded in these pages. It is, however, but fair to mention, that those just enumerated are among the very first attempts in this branch, and as such, although they bear suificient evidence of a want of thorough artistic skill, there is, at the same time, no little credit due to the ingenuity of the composer ; this, in fact, we have ever been ready to acknowledge in all our notices. Taking, then, the new subjects which have been more recently published, we can still see traces of the imperfections which are so evident in the earlier productions, while, at the same time, there is a great advance in ingenuity, and a decided improvement in the powers of arrangement." -

Stereographic illustrations of compositive photography by J. Elliott, Photographic News, 24 decembre 1858, p. 184.

Commençons aujourd'hui, à titre d'illustration des rapports peinture et photographie, par la vue intitulée Broken Vows, de James Elliott, que nous pouvons donc dater de 1858 au plus tard. C'est une image dont on retrouve encore assez régulièrement des exemplaires sur le marché de la photographie ancienne. En voici trois :

 

wBrokenVowsA

 

Broken Vows, vue stéréo de J. Elliott, vers 1858, non signée - Unsigned stereoview by James Elliott, ca 1858. (Coll. J. Calvelo)

 

 

wBrokenVowsB

 

Version enluminée avec timbre sec du photographe - Hand-tinted SV with embossed stamp by J. Elliott. (Coll. J. Calvelo)

 

 

wBrokenVowsC

 

Autre tirage. Notez les variations dans les teintes entre deux exemplaires. Les négatifs sont également différents. (Coll. J. C.)

 

Il semble que James Elliott n'ait pas fait autre chose que tirer parti, en éditant cette version photographique, de la popularité d'un tableau du peintre pré-raphaélite Philip Calderon, aujourd'hui conservé à la Tate Gallery, qui a eu un énorme succès à Londres en 1856 :

BrokenCalderon

Philip Calderon, Broken Vows, Tate Gallery, Londres.

 

Bien sûr, on voit immédiatement les différences entre les deux images : le peintre choisit de figurer furtivement la découverte par la jeune amoureuse cachée par la porte d'un flirt potentiel entre son fiancé et une autre jeune fille ; le photographe opte, quant à lui, pour un raccourci plus percutant : la jeune femme assiste douloureusement au mariage (inopiné peut-être) de son ancien prétendant.

Il ne serait pas bien difficile de démontrer que l'intérêt de la photographie pour la peinture (à entendre dans les deux sens, d'ailleurs) s'est révélé plus durable que cette juvénile passion…

 

 

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La photographie en relief primitive

William Morris Grundy, Hunters/Chasseurs, negative G997, stereoview, ca 1857 (Collection José Calvelo) William Grundy, Rural and Pastoral Scenes in England, stereoview (Collection J. Calvelo) William Grundy ?, Unknown Church (negative 386), stereoview (Collection J.

http://stereoscope.canalblog.com

 


 

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