Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Photographie 3D « primitive »
Photographie 3D « primitive »
Publicité
Archives
Pages
22 janvier 2014

Notes sur les débuts de l'Instantanéité

Premiers instantanés en relief
Notes on early instantaneous photography

« O temps ! suspends ton vol »  
(Alphonse de Lamartine)

 

Les débuts de l'instantanéité en stéréoscopie provoquent une surprise, comme si c'était la toute première fois. Le vœu de Lamartine est exaucé, mais d’une manière très éloignée du véritable désir du poète. Ce dont ce dernier rêvait, c’était un temps suspendu mais vécu. Le temps de l’instantanéité photographique est un temps perdu mais longtemps observable.

L’instantanéité n’est pas une question exclusivement photographique. Lorsqu'un artiste de la Renaissance doit peindre un oiseau en vol, il fait l'épreuve de difficultés de figuration très particulières, qui ont à voir avec le problème, commun au photographe et au peintre, de l'instant fugitif, du point imperceptible dans l'écoulement du temps.

Des matières aussi fermes que le marbre ne sont pas moins aptes à figurer l'instantanéité que des produits plus dociles, plus liquides. Le Bernin a pu fabriquer des objets qui simulent les mouvements les plus éphémères du vivant : la pression des doigts sur le vêtement de sainte Thérèse, l'extase mystique qui altère le visage de la carmélite… Le sculpteur italien était déjà dans une logique et des préoccupations d’instantanéité, lui qui avait choisi, pour figurer ces états éphémères, une des matières les plus rigides qui soient. Joli paradoxe qui, naturellement, fait tout le sel de la chose.

Faut-il aussi rappeler le souci qu'avait Monet pour l'instabilité et la fugacité de la luminosité, et qui lui faisait peindre ses toiles avec la plus grande vivacité afin de ne pas laisser échapper chacun des états momentanés de la lumière sur une même scène ? Il est vrai que le peintre impressionniste ne pouvait pas ignorer les débats sur l'instantanéité qui avaient agité les photographes (et, par ricochet, la société française) au cours de son… adolescence.

GWWbreakingWaveGeorge Washington Wilson, A Breaking Wave, n° 79, stereoview, 1859 (collection José Calvelo)

 InstantGWWcGeorge W. Wilson, Loch of Park, Aberdeenshire, n° 282, stereoview, 1859 (collection José Calvelo)

  

InstantGWWbGeorge W. Wilson, Loch-in-Dorb, Morayshire, n° 342, stereoview, ca 1860 (coll. J. C.)

 

Mais que doit-on entendre par photographie instantanée ?

En 1861, La Gazette des Beaux-Arts propose une formule quasiment acceptable, même pour des "yeux" contemporains :

" Les instantanéités (…), prises au milieu des villes, les rendent avec les voitures qui roulent, les chevaux qui trottent, les passants qui marchent, flânent ou causent, c'est-à-dire avec leur physionomie réelle, absolue, vivante, à un moment donné du jour ou de la saison."

 

InstantGWWaGeorge Washington Wilson, Loch of Park, Aberdeenshire (Instantaneous), n° 288, stereoview, ca 1859 (coll. J. C.)

 

YarmouthPecheursGWWGeorge Washington Wilson, Landing Fish at Yarmouth (Instantaneous), n° 215, stereoview, ca 1860 (coll. J. C.)

 

 

Quelques années plus tard, dans une édition de 1867 de leur Dictionnaire de photographie, Thomas Sutton, photographe très respecté, et George Dawson en donnent une définition intéressante, dans laquelle sont d'ailleurs mentionnés les grands initiateurs (dont deux "stereoscopistes") de ce type de photographie :

"Instantaneous Pictures. Photographs obtained in a fractional part of a second of time are said to be instantaneous. There is no particular process more sensitive than those in common use by which instantaneous pictures can be taken. Either the ordinary wet collodion process in its most efficient working state, the daguerreotype process, or one of the so-called instantaneous dry-processes, is employed for this class of pictures.

By means of collodion the finest results have been obtained. The conditions necessary for success are, chemicals in the best working order, a good light, and a lens with large aperture. Le Gray, Wilson, and England have exhibited very fine instantaneous pictures taken under such conditions, and Mr. McKinlay, of the Koyal Arsenal, Woolwich, has gone so far as to be able to photograph. a six hundred-pound cannon ball, at the moment of its projection from the muzzle of an Armstrong gun."

Et immédiatement après, ils signalent plusieurs des méthodes utilisées pour obtenir ces vitesses à la chambre noire. Où l'on apprend la contribution historique à la photographie du béret écossais :

"Instantaneous Shutters. There are many methods of instantaneously admitting and shutting off the light from the sensitive plate. Mr. Wilson, who has been the most successful in getting good pictures with rapid exposures, adroitly uses his "Highland bonnet" placed in front of the lens. Some use flap-shutters in front of the lens, some a similar arrangement close behind the lens, and Mr. England and others use a guillotine sort of shutter, with a slot cut across it, which falls immediately in front of the sensitive plate. As the slot passes the plate, the parts thus exposed to light receive the full effect of the whole power of the lens. In some respects this is the best instantaneous shutter that has yet been devised, but it is apt to cause a vibration in the camera while in tlie act of falling."

 

InstantGWW1G. W. Wilson, The Thames at Woolwich, n° 418, (Instantaneous), ca 1862 (coll. J. C.)

 

ll semble que les premiers instantanés stéréoscopiques conformes à une rapidité qui, dans la plupart des cas, nous semblerait suffisante, puissent être datés de 1857. Cette année-là, le photographe écossais George Washington Wilson prend des clichés de navires de guerre.

Dans certains d'entre eux, les vaisseaux s'exercent à des tirs de canon. Non, on ne voit pas le boulet (qui n'avait sans doute pas été lancé, de toute façon), mais seulement la fumée qui s'échappe du canon. Cependant, pour la première fois en stéréoscopie, la mer n'est pas d'une planéité glaciale comme elle l'est habituellement sur les clichés antérieurs. La houle et les vagues sont bien visibles, figées et nettes dans leur agitation normalement fugitive.

En novembre 1858, les Photographic notes and journal of the Manchester photographic society signale les premiers essais de photographie ultrarapide de George Washington Wilson :

" We have received from Mr. George Wilson, of No. 24, Crown Street, Aberdeen, the well-known photographer, a series of the most charming stereoscopic views upon paper that we have yet seen. In many of these photographs Mr. Wilson has succeeded in introducing the natural sky, the instantaneous ripple upon the surface of water, animated figures, and at the same time rendering all the details of the objects in shadow. This has not been done by any trick in the printing, nor have the negatives been retouched; the result is due to legitimate photography. Among the most remarkable of the subjects sent are the following : – Oban, Sunset; – a Summer Morning on the Sands ;  Fishing Boats on Loch Fine, at Inverary ; Oban, Evening ;  Inverary, Argyleshire ; and the instantaneous portrait of a Child, seated upon a rocking-horse, and with a merry smile upon his countenance. These subjects are so exceedingly fine, and so far in advance of what one usually sees, that they require especial notice."

(Pourquoi les clichés instantanés de GWW ont-ils tout particulièrement attiré l'attention du public, alors que les marines de Le Gray, pourtant exposées Outre-Manche, avaient déjà proposé une solution à la difficulté et qu'elles présentaient par ailleurs une difficulté plus grande, due à la taille du négatif ? C'est difficile à dire. Leur coût peut-être ? Nettement plus abordable pour les petites marines de Wilson que pour les grands tirages de Le Gray. Il semble également qu'une partie des critiques, surtout en Grande-Bretagne, se soit méfiée des procédés de Le Gray, qui leur paraissaient douteux : doubles négatifs, etc. N'oublions pas, enfin, que la compétition scientifique entre les deux pays était intense, comme elle l'est par ailleurs entre le Nouveau et l'Ancien mondes. En ces matières, comme la polémique sur la découverte du virus du Sida l'a montré dernièrement, l'orgueil national tient un rôle injustifié.)

 

Les Marines de George Washington Wilson (GWW, 1823-93) 

InstantGWW2G. W. Wilson, The Excellent, Portsmouth Harbour - Great Gun Practice, n° 427, (Instantaneous), ca 1862 (coll. J. C.)

 

HMShipsGWWG. W. W., HM Ships Marlborough & Victory lying in Portsmouth Harbour, n° 143, (Instantaneous), ca 1862 (coll. J. C.)

 


Les premiers instantanés de GWW sont probablement des scènes de navires de guerre. Dans les archives de l'université d'Aberdeen, les premières marines de GWW sont datées de l'été 1860 (elles sont listées dans son catalogue de 1863). La série Loch of Park semble dater de 1859. Une deuxième série de marines date de 1861. Une troisième série daterait de l'été 1862. Toutes sont contemporaines des vues urbaines instantanées réalisées à Paris par William England et l'atelier Ferrier/Soulier. Dans les années qui suivronnt, GWW multipliera les marines (en Grande-Bretagne ou à Malte), les scènes de rue dans les villes de son Ecosse natale ou les couchers de soleil (pris le soir pendant les vacances dans la lumière déclinante d'un village des environs d'Aberdeen : série Loch of Park). Les contemporains semblent avoir considéré (à tort peut-être ? et un peu légèrement, vu les réussites antérieures de Le Gray, notamment) que ces couchers de soleil étaient les premières photographies instantanées au monde.

Sur le photogrape écossais, voir :
Roger Taylor, "George Washington Wilson, artist & Photographer (1823-1893)" Aberdeen University Press, 1981.

Une biographie de George Washington Wilson sur ce lien :
http://mcjazz.f2s.com/George_W_Wilson.htm

 

HMSRevengeGWWG. W. W., HMS Revenge, 91 guns, 800 Horse Power, Flag-ship of the Channel Fleet, n° 318A, ca 1861 (coll. J. C.)

 

Assez vite, ces premières expériences réussies de fixation rapide vont attiser l'émulation des photographes plus ou moins spécialisés dans la stéréoscopie : Claude-Marie Ferrier, William England entre autres. Dès 1860 et 1861, plusieurs photographes des deux côtés de la Manche et aux Etats-Unis vont se distinguer dans la production d'importantes séries de vues "instantanées" : marines, vues urbaines de Paris, Londres ou New York. Les techniques et les formats utilisés en stéréoscopie sont en effet particulièrement favorables à des résultats spectaculaires dans ce secteur du marché photographique. C'est un médium pratique pour obtenir l'instantanéité : taille réduite, luminosité relative des objectifs et, par conséquent, temps d'exposition diminués.

 

InstantWE1William England, Série parisienne (Paris Series), N° 106, instantaneous stereoview, 1860 or 1861 (coll. J. C.)

 

InstantWE1detailWilliam England, Série parisienne (Paris Series), détail du n° 106, instantaneous stereoview, 1860 or 1861.

 

InstantWE2William England, Série parisienne (Paris Series), N° 89, instantaneous stereoview, 1860 or 1861 (coll. J. C.)

 

InstantWE3William England, Série parisienne (Paris Series), N° 46, instantaneous stereoview, 1860 or 1861 (coll. J. C.)

 

InstantWE4William England, Série parisienne (Paris Series), N° 44, instantaneous stereoview, 1860 or 1861 (coll. J. C.)

 

La série de William England consacrée à Paris en 1860 et 1861 sera, deux ou trois ans plus tard, émulée par les productions d'ateliers concurrents : Hippolyte Jouvin, Jules Deplanque, Adolphe Braun, etc.

 

InstHJaHippolyte Jouvin, Vues instantanées de Paris : N° 2, L'Hôtel de Ville, SV, ca 1863/1864 (coll. J. C.)

 

InstantHJbHippolyte Jouvin, Vues instantanées de Paris : N° ?, Débarquement à la fête de Saint-Cloud, SV, ca 1863/1864 (coll. J. C.)

 

InstantHJcHippolyte Jouvin (H.J.), Vues instantanées de Paris : N° 75, Esplanade des Invalides, SV, ca 1863/1864 (coll. J. C.)

 

 

MontmartreFeteAHippolyte Jouvin ?, La Fête à Montmartre, SV, ca 1863/186 (ancienne coll. J. C.)

 

 

MontmartreFeteBHippolyte Jouvin ?, La Fête à Montmartre, SV, ca 1863/1864 (ancienne coll. J. C.)

 

 

StCloudFeteBallonHippolyte Jouvin, Le Ballon de la fête de Saint-Cloud, ca 1863/1864 (ancienne coll. J. C.)

 

 

Follow this link to the Main page of the blog
Lien vers la page d'accueil du blog

 

La photographie en relief primitive

William Morris Grundy, Hunters/Chasseurs, negative G997, stereoview, ca 1857 (Collection José Calvelo) William Grundy, Rural and Pastoral Scenes in England, stereoview (Collection J. Calvelo) William Grundy ?, Unknown Church (negative 386), stereoview (Collection J.

http://stereoscope.canalblog.com

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité